Backstage... le numérique au cinéma

Bonjour chers amis. Je me permets de vous faire partager un petit peu ma passion et par la même ma profession, en vous présentant l'évolution du cinéma et des techniques de projection du point de vue projectionniste. En tous cas l'évolution récente qui a fait de James Cameron l'ennemi publique numéro 1 des exploitants de salles de ciné. En effet, l'énergumène à pondu Avatar, film qui a fait investir en moyenne 70000 euros en projecteur, aux directeurs de cinéma par salle! Et je ne vous parle même pas du prix des nouveaux écrans spécifiques pour la 3d (que vous pouvez voir surtout dans les grands complexes). Le mec (génie au demeurant) a réussi à bouleverser toute l'industrie cinématographique en deux ans à peine en imposant un nouveau format de projection (obligatoire aujourd'hui) et a juste réussi à tuer plus d'un siècle de pellicule 35mn. En effet, Avatar, film tourné pour la 3d et donc pour la projection numérique nécessite donc un projecteur nouvelle génération pour bénéficier du relief. Alors oui, certains ciné comme le miens, ont eu une copie 2d 35mn mais c'était reculer pour mieux sauter. Le standard actuel est bien la projection numérique par projecteur "DLP", qui permet la projection HD d'une qualité que même le 70mn et l'Imax ne pouvaient espérer. 85 % des salles françaises sont aujourd'hui équipées en numérique et seuls quelques irréductibles fauchés ont encore du mal à sauter le pas... ça ne saurait tarder.
Pour mon premier post de ce topic, je vous présente des photos de cabine de proj historique! à gauche un projecteur 35 mn de la marque cinemeccanica "victoria 5" (le bleu) en projection plateaux (le film est posé à plat sur un plateau et non sur une bobine alu verticale) et à droite un projecteur numérique 2k de la marque Barco (le standard actuel) équipée de la technologie texas instruments DLP à trois matrices (le noir).





dans mon prochain post, je vous expliquerai ce qui fait de moi un nanti!

continuons un peu à parler de l’évolution des techniques. Oui je pleure la disparition imminente du 35mn, car tous les puristes vous le diront, il manque quelque chose à la projection numérique. Un grain, une authenticité. C'est vrai que la projection numérique à comme problème d'être parfaite. L'image est stable au possible, toujours nette (quand l'installateur n'est pas un branque), le contraste est meilleur (parfois trop) ainsi que la luminosité (parfois trop). Elle a également apporté un son de meilleure qualité même dans les petites salles non équipées précédemment de Dolby SRD. Mais paradoxalement, les rayures manquent aux spectateurs. Les craquements dans le son également, et non, vous ne verrez jamais une image brûler à l'écran en numérique (sauf si l'écran brule... hrem...). Mais je ne suis pas un vieux réac! j'aime le numérique à sa juste valeur! Il va nous apporter incessamment la diversité des activités cinématographiques. Prenez par exemple les retransmissions de matchs importants chez kinépolis ou les projets d'interventions des staff pour les avant-premières, le réalisateur ne se déplaçant que très rarement, il pourra rester chez lui mais promouvoir depuis son canap le film.
En ce qui me concerne directement, je pense lancer des soirées jeux-vidéo, sûrement en partenariat avec une chaine de distribution de jeux, pour les grosses sorties. Car oui, le projecteur numérique possède deux entrées DVI. La projection en salle sur des projecteurs barco 2k comme les miens, se fait à une résolution de 2048 par 1080. Pour projeter un DVD (beurk), ou tout autre support en résolution inférieure (les jeux 720p), on utilise un scaler professionnel pour "upscaler" la résolution, lisible par le projecteur. Résultat? Battlefield 3 sur écran de 10 m de base. De plus, chaque projecteur est contrôlé par un serveur relié à internet pour la maintenance et les maj. Résultat: Battlefield 3 en multi sur écran de 10 m de base. OUI, JE SUIS UN FUMIER DE NANTI!!!
Je conseille fortement à qui ne l'a jamais fait (...) la mission tant décriée en avion de Battlefield 3, avec le décollage du porte-avion au troisième rang de la salle, on est littéralement scotché au siège.

Merci pour ton article j'aime beaucoup le cinéma et j'avais déjà eu la chance d’apercevoir ce genre de machine ayant pratiqué l'option cinéma dans mon lycée (Dourdan si jamais ça te parle, ville de Godard et tant d'autres). J'ai lu ton article en intégrale et c'est vrai qu'on peut imaginer ce que tu ressents. En tout cas félicitation à toi, et merci, pour nous avoir écrit ce petit paver très très instructif.
Par ailleurs, dans le collège ou je bosse (et ou à mon tour j'anime un atelier cinéma pour les mordus), on fait pas mal de théorie. On bosse sur les périodes (genre la nouvelle vague Française, ou l’expressionnisme Allemand), mais on essaye aussi de voir la technique. Si tu as des sites ou autre qui traite de la projection et que tu sais fiables, je serais très intéressé.

cher ami, pour expliquer la technique je trouve que tout bêtement, l'article wikipédia est pas mal. Après pour le numérique et expliquer le fonctionnement des matrices de miroirs DLP, ça devient pointu...

http://fr.wikipedia.org/wiki/Projection_cinématographique

ok merci beaucoup. Je connais wiki bien sûre mais on y trouve souvent à boire et à manger dans ce genre de chose et je ne savais pas si la qualité était bien présente.

pour la suite, faisons un petit zoom. La première image est donc un projecteur Victoria 8 de la marque cinemeccanica. Vive la mécanique! le projecteur en lui même est légèrement différent du V5 des autres photos en son sein. le V5 tourne grâce à des courroies tandis que le V8 tourne grâce à des rouages et un système de bain d'huile. Le v5 est aussi plus petit car destiné à la base à une utilisation dans les studios et non dans les cinémas. Ce V8 est installé avec une lanterne Zenith 4000h dans laquelle trône une "ampoule" au xénon de 2500W (j'vous ferai une photo un de ces 4). Le tout est alimenté en triphasé.
Dans le fonctionnement, le film passe devant la fenêtre de projection la tête en bas (car l'objectif simule un grosse lentille convergente, donc retourne l'image) puis devant le lecteur son 20 cm plus loin. De ce fait, sur une pellicule, l'image et le son sont décalés. Moralité, l'image de porno glissée au milieu du film familial aura son cri de femme 1 demi sec plus tard... enfin j'dis ça j'dis rien...



Sur le projecteur numérique, toute la magie se cache à l’intérieur! Vous rajoutez une lampe de 3000W à 4000W pour la 3d, un peu d'amour et hop, Magie!



sous le projecteur numérique, on peut apercevoir le serveur. En gros, c'est un vieil ordinateur de récup vendu au prix fort, équipé de disques dur de quelques To. Un film d'1h40 fait environ 150 Go. On a souvent plusieurs versions , des Bandes annonces, des pubs, la place est vite prise. Pour parer à cela, les serveurs sont reliés à une librairie, en gros un vieil ordinateur de récup vendu au prix très très fort, équipé de quelques dizaines de To. Et on stocke. Le serveur commande la projection grâce à une interface genre VLC.

Mais alors, le numérique, c'est vachement mieux, me direz vous! Et bien non. Cette nouvelle technologie arrive avec son lot de problèmes:
1: Tout d'abord les problèmes techniques: Le film démarre sur un proj 35mn, PAF la séance se coupe. Le projectionniste arrive en cabine, constate et répare. Dans le pire des cas, la lampe est cramée ou le film a décidé que par terre c'était mieux que sur le plateau, la panne dure longtemps, on annule une séance et on rembourse les clients compréhensifs. Ca laisse le temps au personnel de réparer pour la séance suivante. Le film démarre sur un proj numérique, PAF la séance se coupe. Le projectionniste arrive en cabine, constate qu'y a un voyant rouge qui devrait être vert... et ben on rembourse et on passe le reste de la journée au téléphone avec la musique d'attente de la hotline overbookée... c'est comme les bagnoles, un vieux diesel qui pétait une courroie, on remplaçait par un bas de madame et hop, ça repartait. Sur un HDI, si on a pas l'ordinateur qui se branche au moteur, vaut mieux pas toucher...
Et la hotline, comme sus-mentionnée, elle est harcelée continuellement d'appel. Car non, la technologie n'est pas au point. Alors quand c'est pas le projecteur qui a un problème, c'est le serveur. Mais je vous vois arriver avec vos gros sabots: "un serveur ça se répare!", oui, mais non. Il est interdit à un exploitant de toucher à ses serveurs reliés directement à l'installateur et aux distributeurs. Vous touchez, ça se bloque. remarquez le numérique c'est ça, tout ou rien, 1 ou 0.
Techniquement aussi, un projecteur numérique consomme 2 à 3 fois plus qu'un projecteur 35mn. Vous rajoutez la clim obligatoire en cabine qui tourne à fond tout le temps pour contrebalancer la chaleur dégagée par le projo car les serveurs ne supportent pas la chaleur, et des lampes qui durent 2 à 3 fois moins longtemps que des lampes de 35 (j'vous raconte pas le prix d'une lampe... ah si, 2000 euros les 2000 W...), et vous avez un massacre de l'environnement permanent! sauvons les baleines, merde!

2: problèmes "éthiques": le distributeur dirige à présent tout et tout le monde. Je m'explique: une copie 35, ça fait le tour de France. Un ciné la veut, on lui envoie ou il se démerde pour avoir une copie qui tourne déja, il déclare ses séances et paye le distributeur en fonction. Les films numériques, sont envoyés pour la plupart de manière systématique. Que se soit en DCP (disques durs) ou directemment en réseau sur notre "librairie" (stock) branchée à internet. De toute façon l'exploitant ne pourra rien en faire tant qu'il n'aura pas la KDM, .... le clé de déverrouillage de la copie! Vous pouvez avoir le film, vous ne pourrez le passer que du mercredi 13h au mercredi 15h si le distributeur le décide. Ce système a été mis en place sous couvert d'antipiratage. Alors laissez moi vous dire que le distributeur, il chope une citrouille avec ce nouveau pouvoir! Il peut en effet encore plus qu'avant faire pression sur un exploitant pour que celui ci bloque 4 salles sur un film pourri, sinon il aura pas le prochain Spielberg par exemple. La démarche n'est pas nouvelle, ce qui explique que des petits ciné indépendants ne peuvent passer Harry Potter, car la Warner exige qu'on le passe dans la plus grande salle à chaque séance pendant 1 mois... pour un ciné qui fait de la VO, c'est la faillite assurée, trois semaines de salle vide...

3: Mon problème: Et ben mon job est condamné. Le futur de demain, c'est des films qui sont envoyés, gérés et démarrés depuis Paris, donc plus besoin de projectionniste. C'est moche hein?

Bref, vous l'aurez compris, le spectateur s'en fout un peu, quoique l'augmentation du prix des places a été significative ces dernières années, mais le monde de l'exploitant de cinéma est en pleine révolution. De plus les investissements colossaux sont fais à l'aveugle, car on ne connait pas la durée de vie du matériel... pour info, notre stock, la librairie, a déja été changée deux fois depuis septembre dernier car elle tombe en panne sans que personne ne sache pourquoi. Imaginez vous toute la journée avec le SAV de free... j'vous raconte pas la déprime!

Mais vous, profitez tant que vous le pouvez, la projection, quand elle marche, est exemplaire. Merci de votre attention (si vous êtes arrivés jusque là...)